Quelques réflexions à l’intention de mes camarades de parti.
Le second tour des élections législatives vient de bouleverser profondément le paysage politique français. L’excellent résultat de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) et de ses candidats constitue une très bonne nouvelle. Avec l’élection de plus de 140 députés, la gauche inflige une sévère défaite à la majorité présidentielle et devient la première force d’opposition. Autre bonne nouvelle, le Parti communiste français pourra compter sur 12 députés, au-delà des prévisions, et l’existence d’un groupe à l’Assemblée nationale renforcé avec les élu·e·s de l’outremer.
En mettant de côté les logiques de division et en obtenant des résultats électoraux que personne n’espérerait il y a encore quelques semaines, la gauche est enfin sortie de sa marginalisation, désactivant la logique de duo Macron/Le Pen qui stérilisait toute autre alternative politique. Malheureusement le sursaut des appareils et la signature d’un accord en 13 jours et 13 nuits, n’ont pas suffi à mettre en mouvement les forces nécessaires à la gauche pour être majoritaire. Pour cela, il aurait fallu construire ensemble pendant 5 ans cette perspective de changement.
La question qui est désormais posée à toute la gauche, et singulièrement au Parti communiste français, est de savoir si cet espoir est durable, s’il peut encore grandir, être un point d’appui pour résister ensemble, et demain contribuer à de possibles victoires.
Les jours qui vont suivre seront déterminants. Les résultats électoraux d’Emmanuel Macron vont en effet le conduire à chercher à droite les moyens de poursuivre sa politique. Certes, cette alliance contribuera sans doute à une salutaire clarification en rétablissant un net clivage gauche-droite, mais elle risque de conduire à une probable « radicalisation » du pouvoir. Le score très important du RN et l’élection de 89 députés de ses rangs, fait inédit et inquiétant dans l’histoire de notre République, pourrait bien accentuer cette tendance, avec une macronie toujours plus poreuse aux idées d’extrême-droite, comme le débat « séparatisme » l’a montré. Face à cette majorité libérale et autoritaire, l’existence d’un pôle de résistance et d’alternative de gauche est donc essentielle, notamment pour endiguer la nouvelle progression de l’extrême-droite que nous avons connu lors de cette séquence électorale.
Dans cette situation nouvelle, le PCF se trouve à nouveau à la croisée des chemins : soit il fera le choix de jouer un rôle moteur et constructif pour que la Nupes reste une source durable d’espoir à gauche, soit il reprendra le chemin d’une stratégie qui aura finalement contribué à son isolement.
Actualiser notre stratégie
En effet, lors de la campagne de la présidentielle, la direction du PCF a choisi de maintenir jusqu’au bout la candidature de Fabien Roussel. Pourtant, à mesure que nous approchions du scrutin, celle-ci est apparu non comme ce qu’elle prétendait être, c’est-à-dire un atout pour la victoire de la gauche, mais plutôt comme un frein à la possible qualification pour le second tour du seul candidat en mesure d’y parvenir. Cette décision a dès lors nourri l’incompréhension de nombreuses électrices et électeurs de gauche, dont certains furent par ailleurs troublés par les positions défendues par notre candidat, en particulier sur la police ou sur l’écologie, assez éloignées des conceptions que nous travaillons au quotidien depuis des années.
Le résultat fût sans appel. À la tête d’une coalition de forces se réclamant d’un républicanisme assez abstrait, notre candidat a donc réalisé un score très décevant à la présidentielle, notamment au regard de l’investissement militant.
Pour les élections législatives, c’est au terme d’âpres discussions au sein des conseils nationaux des 30 avril et 7 mai derniers que nous avons pris fort heureusement la décision d’oeuvrer au succès commun de la NUPES, plutôt que de présenter des candidatures communistes solitaires qui seraient à nouveau apparues comme source de division à gauche.
Les communistes engagés pour faire réussir la NUPES
On peut bien-sûr regretter que l’accord signé fasse une place trop modeste au PCF par l’application d’une rude proportionnalité issue des équilibres de la présidentielle. Mais il aura permis au final que pour la première fois depuis des décennies, la gauche soit à nouveau en tête des suffrages au premier tour de l’élection législatives et en mesure de se qualifier pour le second tour dans 405 circonscriptions. Cette dynamique, qui s’est amplifiée au second tour, constitue donc un formidable encouragement. Dans toute la France, les militantes et militants communistes ont souvent joué un rôle central dans les campagnes unitaires. Ils mesurent à nouveau que c’est en étant l’artisan des rassemblements les plus larges, sur les contenus les plus transformateurs que notre parti est le plus utile et le plus fidèle à l’engagement communiste.
Pourtant, ne nous ne cachons pas dans les prochaines semaines, la tentation pourrait être forte au sein de chaque force de la gauche et de l’écologie, disposant chacune d’un groupe à l’Assemblée nationale, de retrouver leur couloir respectif et d’en revenir aux stratégies concurrentes. Ce serait réduire l’espoir ouvert dans la population par la NUPES, à un accord électoral éphémère, et conduirait inéluctablement à de nouvelles déconvenues.
Au lendemain de cette élection, plusieurs chemins s’offrent à nous et à la direction du parti communiste français. L’un consisterait à refermer la parenthèse de la NUPES. Certains observateurs veulent voir dans la faible implication de notre secrétaire national dans la campagne nationale des législatives, comme une forme d’embarras, une hésitation à choisir entre la dynamique de la NUPES d’une part, et d’autre part la feuille de route stratégique fixée au dernier congrès. Il est vrai que par contraste, le fort affichage en soutien à la NUPES d’un Olivier Faure ou encore d’un Julien Bayou dans les meetings nationaux ou sur les plateaux de télévision, ont contribué à alimenter un tel récit. Les déclarations de Fabien Roussel hier soir sur le plateau de France 3 semblent malheureusement confirmer cette orientation.
Loin de ces hésitations, l’autre chemin consiste au contraire à faire grandir encore cette initiative politique prometteuse qu’est la NUPES, de faire grandir cet espace commun des forces de la gauche et de l’écologie, de faire grandir l’espoir ouvert : celui d’une gauche forte, d’une gauche diverse, d’une gauche reliée, d’une gauche en archipel plutôt qu’en dilution ou en soumission, d’une gauche de plain-pied dans les mobilisations citoyennes. S’agissant d’un rassemblement ample et divers, les communistes ont une responsabilité particulière pour y faire vivre l’audace de propositions de portée révolutionnaire que la situation exige. Ce doit donc être notre priorité absolue dès aujourd’hui. Les Communistes doivent également être les premiers à combattre pied à pied le Rassemblement National et ses idées. Reconstruire la gauche passe immanquablement par la réarmer idéologiquement pour la lutte antifasciste. C’est ainsi que notre parti regagnera en utilité, donc en influence et en dynamique.
Alors n’hésitons pas, mettons-nous au service de cette maison commune, pour y faire grandir les choix de transformation les plus utiles et les plus audacieux.
Signataires
Josselin Aubry, Hadrien Bortot, Nicole Borvo, Marie-Pierre Boursier, Grégory Géminel, Vanessa Ghiati, Robert Injey, Patrice Cohen-Seat, Isabelle Lorand, Sonia Masson, Anna Meyroune, Frank Mouly, François Salamone