J’ai pris la parole dans le Conseil national du PCF du 14 avril, faisant le bilan du premier tour de l’élection présidentielle, abordant le second tour de tous les dangers et la perspective de riposte pour les législatives.
Chers camarades,
Notre résultat n’est pas seulement « décevant », mais très inquiétant.
Ne tournons pas autour du pot, nos 800.000 voix ont de facto fait défaut pour qualifier une gauche de gauche au second tour d’une élection présidentielle. Ce n’est pas seulement un constat, c’est une appréciation partagée dans le peuple de gauche. Dans un jeu à trois pôles, néofasciste, ordo-libéral et de gauche, désormais on choisit ET on élimine dès le premier tour. Ce n’est pas faute d’avoir averti sur le piège de la Ve République renforcé par la recomposition en cours, on a fermé la bouche aux militants à partir non du réel mais de décision de congrès.
Bien-sûr nous ne sommes pas seuls responsables, mais que voulez-vous, je suis plus exigeant avec mon parti
Alors, nous pouvons être dans le déni et nous plaindre d’être victime d’un vote utile qui serait sans contenu, la progression importante de Mélenchon dans la dernière ligne droite s’est opérée sur la conviction qu’un projet bien à gauche pouvait disputer le leadership à Macron et à Le Pen et l’emporter.
En particulier, beaucoup ont espéré se débarrasser de Le Pen dès le 1er tour, percevant le risque de confier au pyromane Macron le soin de nous en préserver. Et je ne pense pas qu’au « franges radicalisées des quartiers périphériques » (Fabien Roussel, Journal du Dimanche 6 mars 2022), quartiers qui s’inquiètent à juste titre de l’issue du second tour, et auprès desquels nos 800.000 voix manquantes ne sont malheureusement pas passées inaperçues. Franchement, il faut être coupé du monde pour ne pas entendre les reproches qui nous sont adressés au hasard des rues de nos villes, et pas seulement par des militants insoumis excités.
Alors oui, ce résultat n’est pas seulement « décevant », il est terrifiant car l’extrême-droite est désormais aux portes du pouvoir.
Quel décalage alors d’expliquer comme après les européennes que nous aurions « semé » des graines et que nous aurions « mené une belle campagne ».
Bien-sûr, les militants communistes ont dans de nombreux endroits menés énergiquement campagne. Parfois aussi sans passion, par fidélité. Et dans quelques autres ce fût, nous le savons, beaucoup moins le cas, sans d’ailleurs de répercussion visible sur le vote. Car l’essentiel de notre campagne s’est joué ailleurs : sur les plateaux de télévision et les réseaux sociaux où nous avons tenté de nous distinguer coûte que coûte du programme l’avenir en commun programme qui nous doit pourtant beaucoup .
À la surprise de beaucoup de communistes, d’autres thèmes ont par contre rempli notre campagne : je ne citerai que la référence permanente à un républicanisme abstrait et à la laïcité, que la gauche et jusque dans les rang des communistes et de leurs élus, est soupçonnée d’avoir abandonnée.
Alors si on peut toujours se féliciter de la notoriété nouvelle de notre candidat, on peut aussi s’interroger : sur quels thèmes cette notoriété s’est-elle cristallisée ? Et a-t-elle finalement touché les jeunes, les ouvriers et les quartiers populaires, c’est-à-dire précisément ceux à qui nous entendions parler.
La FI a quant à elle, déjoué les pronostics ressassés ici-même. Mélenchon réalise un score remarquable, sans les communistes. En particulier dans les villes populaires, et dans nos villes. Pour une partie de la population, la classe ouvrière ubérisée, notamment issue de l’immigration, il est apparu comme le candidat défendant leur dignité. Et ils attendront légitimement une explication.
La question qui se pose désormais, c’est que pouvons-nous faire, alors que nous sommes au bord du gouffre, alors que des communistes nous quittent et que nous n’avons plus tout à fait notre destin en main ?
Bien-sûr, il y a l’immense menace du second tour. Les militants communistes serons comme toujours au rendez-vous, mais j’insiste, nous serons d’autant plus efficace dans ce combat que nous saurons dire « message reçu », et restaurer un espoir pour la suite à commencer par les législatives, à partir de ce qui s’est exprimé aux présidentielles.
Le pire serait de bricoler des accords avec les disqualifiés de la recomposition politique en cours. Ou de dire abstraitement « on ouvre la porte à tous à gauche ».
Il faut évidemment tirer les conséquences du succès de l’Union populaire. Certes, cela lui donne des responsabilités sérieuses qu’elle n’a pas su honorer en 2017, mais aussi une légitimité incontestable.
L’existence d’un groupe communiste à l’Assemblée est aujourd’hui fortement compromise. Notre disparition de l’hémicycle serait une catastrophe de plus.
Retrouvons le chemin de l’utilité. Pour cela, nous devons faire de toute urgence une proposition concrète à l’Union populaire, à partir du programme que nous avons pour l’essentiel en commun et en vue d’un accord national. D’abord portant sur les sortants qui se sont battus ensemble à l’Assemblée. Et proposer un accord conquérant, en vue de créer un puissant pôle de résistance, voir imposer une cohabitation au président élu, avec un partage équitable des circonscriptions gagnables qui sont nombreuses.
Enfin, je regrette qu’alors que nos débats de conseil national ne sont pas terminés, notre secrétaire national se soit absenté pour aller tenir une conférence de presse, sans que nous n’ayons ni amendé ni voté la résolution appréciant la situation politique et les initiatives à prendre pour battre Le Pen et obtenir un front commun aux législatives.